Ils ont tous montré un alignement total et c'est récent car les positions de Renault et Stellantis n'étaient pas alignées lors de la conférence de la PFA au dernier Mondial de l'Automobile 2024
- la situation du marché automobile européen est grave :
- l’Europe est la seule région du monde qui n’a pas retrouvé les niveaux de marché d’avant Covid,
- l’électrification à marche forcée imposée par l’Europe ne se passe pas au rythme prévu car “on n’a pas tenu compte de ce que veulent les Clients, ce dont ils ont besoin, et ce qu’ils ont les moyens d’acheter” (A Filosa).Conséquence, le parc automobile européen vieillit (plus de 12 ans) ce qui retarde grandement sa décarbonation ! Ceci est encore plus vrai sur les Véhicules utilitaires Légers (VUL).
- l’urgence absolue de décisions politiques tant au niveau français qu’au niveau européen pour assurer l’avenir de l’industrie automobile en Europe : “L’Europe doit changer de logiciel” (F Provost).
Les décisions attendues sont principalement dans deux domaines:
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l’assouplissement de la réglementation, avec un mot d’ordre commun : la flexibilité.Flexibilité sur les échéances en matière de réglementation d’émission de CO2, sur les solutions techniques, sur le niveau des normes pour certaines catégories de véhicules, … tout en gardant la priorité de décarboner.De nombreuses solutions réalistes ont été proposées :
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alternatives techniques au tout électrique,
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“petit véhicule abordable” électrique, avec réglementation allégée, autour de 15.000 Euro,
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stabilité réglementaire et fiscale : “la France a connu depuis 2017 20 changements de fiscalité sur l’automobile” (F Bartolomé).
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découplage des VUL et VP : la situation sur les VUL est critique, si les règles ne sont pas assouplies dès 2026, les constructeurs devront réduire leur volume pour éviter de fortes amendes, alors même que la France est le principal pays producteur en Europe
“L’Europe est la championne des normes : 25% des ingénieurs de Renault travaillent pour les respecter” (F Provost)!
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la protection de la filière vis-à-vis notamment d’une Chine :
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conquérante : 1er marché automobile mondial, 1er producteur mondial et depuis peu 1er exportateur mondial
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maitrisant l’ensemble de l’ecosystème : de l’extraction des matières (la Chine est la source unique d’approvisionnement mondial pour 17 d’entre elles) jusqu’à la fabrication des batteries et des véhicules électriques
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hyper agile : avec des temps de développement d’un nouveau véhicule de 2 ans contre 3 à 4 ans en Europe
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hyper compétitive :
“depuis 2019, la compétitivité des constructeurs chinois vs européens a augmenté de 35 points” (C Périllat).
“L’Europe se protège mal et il faut en finir avec l’angélisme” (M de Rosen).
A l’image justement de la Chine qui le pratique depuis 30 ans et des Etats Unis beaucoup plus récemment, la solution est la mise en place derègles de contenu local qui doivent être “simples, ambitieuses et fortes” (M de Rosen).
Ces 2 actions majeures associées à une vision long terme portée et supportée par l'Europe devraient permettre à l'automobile européenne de (re)trouver une compétitivité, indispensable pour assurer son avenir et se battre à armes égales avec ses principaux concurrents sur la scène mondiale.
- des négociations sont en cours entre la France et l’Allemagne pour chercher un compromis (mot très à la mode en politique actuellement) permettant d’aligner des positions qui ne le sont pas à ce jour sur les demandes à la Commission Européenne
- les annonces de la Commission Européenne attendues le 10 décembre pourraient marquer plusieurs avancées importantes.A suivre…
Le lendemain, j'ai retrouvé Thierry Coulmain, qui m'a accueilli avec son franc-parler habituel :
TC : Jean-Pol, ils ne se moquent pas un peu du monde ? Depuis quatre ans, les patrons de l’automobile jouent au chaud-froid : un jour “on va y arriver”, le lendemain “ce n’est pas possible”.
J’ai souri. Je savais que la pique allait venir.
JPM : Tu sais, Thierry, il faut aussi regarder les chiffres. Les ventes électriques stagnent, et les objectifs européens sont devenus intenables. Ce n’est pas qu’un discours de lobbying, c’est une impasse économique.
TC : Ou le résultat d’années à souffler sur les braises de Bruxelles pour retarder l’inévitable…
JPM : Peut-être, mais aujourd’hui, la réalité s’impose. Même avec des investissements massifs, les clients ne suivent pas. Et pendant qu’on débat, les Chinois avancent.
TC : Justement ! Est-ce qu’on n’est pas en train de lier deux crises : celle de la décarbonation et celle de la dépendance à la Chine ?
JPM : Je pense qu’il faut les distinguer. La réglementation européenne veut aller trop vite par rapport aux clients ; c’est un problème interne. Les Chinois, eux, maîtrisent la chaîne de valeur, avec une hyper compétitivité ; c’est un problème externe. »
TC : Mais au final, les deux se rejoignent : si l’Europe ne relâche pas un peu la pression, elle perdra à la fois la course climatique et la bataille industrielle.
JPM : Exactement. Il faut continuer à décarboner, mais à un rythme soutenable. Et surtout, reconstruire une industrie européenne capable de rivaliser.
La conversation s’est terminée dans un rire : Thierry m’avait poussé dans mes retranchements, et moi, je lui avais rendu quelques arguments. Une belle passe d’armes, à l’image du débat qui anime aujourd’hui toute la filière automobile.
Jean-Pol Mourot
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