Le secteur automobile français face aux échéances européennes

Véhicule électrique anonymisé devant le parlement européeen . Image générée par Chat GPT et prompté par LEA Partners

photo : © L.E.A Partners /chatgpt

Note stratégique

L’automobile n’est pas seulement une industrie : c’est un pilier de l’identité industrielle française et européenne. Elle concentre des savoir-faire, des emplois, des chaînes de valeur entières qui irriguent nos territoires. Elle est aussi, plus que tout autre secteur, au cœur du débat entre transition énergétique et compétitivité internationale.

Aujourd’hui, l’Europe a choisi une trajectoire ambitieuse : la fin de la commercialisation des véhicules thermiques neufs à horizon 2035. Cette décision, inscrite dans le Pacte vert et le paquet législatif Fit for 55, reflète une volonté politique claire : orienter sans retour le marché vers la motorisation électrique. Mais cette ambition, si elle n’est pas ajustée, risque de se transformer en dogme, avec des conséquences lourdes et parfois irréversibles pour notre industrie.

EAP CONSEIL, associé à l’écosystème de L.E.A. Partners, souhaite ici rappeler les principaux jalons réglementaires, et proposer des pistes de travail pragmatiques pour concilier transition écologique et sauvegarde de la compétitivité.

Un calendrier contraint, des marges de manœuvre limitées

La réglementation européenne trace une route précise :

– 2025 : mise en œuvre de la norme Euro 7 (NOx, particules fines, contraintes renforcées sur la durabilité des moteurs) et objectif  initial de réduction des émissions CO2 de 15% versus immatriculations 2021 déjà amendé début 2025 avec un aménagement des modalités d’application : conformité mesurée sur une moyenne glissante de 3 ans (2025-2027).

– 2026 : première clause de revoyure prévue, permettant d’ajuster le calendrier ou les modalités d’application.

– 2030 : étape intermédiaire avec une réduction de –55 % des émissions de CO₂ pour les voitures particulières, –50 % pour les utilitaires, par rapport au niveau de 2021.

– 2035 : arrêt total de la mise sur le marché des véhicules neufs thermiques, y compris hybrides.

Au cœur de ce dispositif figure la norme dite CAFE (Corporate Average Fuel Economy/Efficiency), qui impose une moyenne d’émissions par flotte. Chaque constructeur doit équilibrer ses ventes : tout véhicule thermique doit être compensé par une part croissante de véhicules électriques. À défaut, des pénalités financières substantielles frappent les constructeurs, aggravant leur désavantage face à la concurrence extra-européenne.

Les angles morts d’une stratégie trop rigide

Ce qui se joue n’est pas la contestation de la transition :
elle est nécessaire et acceptée.

 Mais l’exigence d’un zéro émission absolu en 2035 fait abstraction de réalités incontournables, en prenant l’exemple de la voiture électrique et des freins à son adoption :

  • Le véhicule utilitaire, dont la charge utile est réduite de manière intenable par le poids des batteries.
  • Les usages professionnels intensifs, pour lesquels l’autonomie reste un verrou majeur.
  • L’infrastructure de recharge, encore lacunaire dans une large partie du territoire européen.
  • La difficile montée en puissance des ventes de véhicules électriques due au manque de demande des consommateurs, lié au coût d’acquisition, au manque de confiance dans l’autonomie réelle et à l’insuffisante fluidité du marché de l’occasion.

Cette rigidité expose l’Europe à un double risque :

  1.  Désindustrialisation rapide, par incapacité d’engager suffisamment les capacités des usines européennes.
  2. Perte de souveraineté technologique, face à des concurrents mieux dotés en ressources (Chine pour les batteries, États-Unis pour les subventions massives via l’Inflation Reduction Act).

Un objectif réaliste : réduire, mais ne pas interdire

L’alternative n’est pas un refus, mais une révision de l’ambition.

Plutôt que d’imposer une échéance dogmatique, l’Europe pourrait viser une réduction de 85 à 90 % des émissions par rapport au référentiel actuel, ouvrant la voie à :

  • Une neutralité technologique, intégrant hydrogène, carburants de synthèse, hybrides rechargeables, biocarburants avancés.
  • Une transition progressive, qui laisse le temps d’investir, d’adapter les chaînes de production, de préserver l’emploi et de convaincre le consommateur
  • Un espace de compétitivité permettant de rivaliser avec les autres grandes régions automobiles du monde.

Planning stratégique 2025–2035

2025 échéance : Adaptation de la réglementation CO2 par la Commission européenne. Opportunité d'action : Poursuivre sur cette ouverture pour identifier la réalité industrielle et alimenter la suite des actions sur 2030 et 2035. Enjeu pour la France : Maintenir la compétitivité court et moyen terme. 2026 Echéance : Première clause de revoyure. Opportunité d'action : Engager les discussions sur 2035 pour infléchir la trajectoire. Enjeu pour la France : Défendre une approche réaliste et crédible, chiffres à l’appui. 2029 échéance : Élections européennes. Opportunité d'action : Saisir opportunité pour élargir le débat et approcher les nouveaux MEPs sur l’échéance 2035. Enjeu pour la France : Peser sur l’orientation du nouveau Parlement pour préserver un mix technologique et énergétique.

Le débat n’est pas celui du pour ou contre la transition, mais celui du comment. L’Europe doit faire preuve d’ambition sans sacrifier sa base industrielle. L’automobile française, déjà confrontée à une concurrence mondiale féroce, a besoin de temps, de flexibilité et d’investissements pour réussir cette mutation.

En accompagnant les décideurs publics et les industriels dans le Trilogue européen, EAP CONSEIL – associé à l’écosystème de L.E.A. Partners – entend contribuer à une négociation équilibrée : ambitieuse pour le climat, mais réaliste pour l’économie.

Luc Domergue – EAP CONSEIL – associé à l’écosystème L.E.A. Partners

Quelques références

Le plan d’action automobile présenté en mars 2025 par la commission européenne a introduit des leviers d’accompagnement importants. D’une part, un soutien financier : 570 M€ pour les infrastructures de recharge des poids lourds et 1 Md € via Horizon Europe (2025–2027) pour la recherche sur les batteries de nouvelle génération, les véhicules connectés et automatisés et les architectures logicielles (2025-03-05-Communication-Action-Plan-on-the-Future-of-the-European-Automotive-Industry.pdf). Comme le souligne le texte :

“The Programme will make available EUR 1 billion for the automotive sector for the period 2025-2027, including relevant activities financed via the European Innovation Council. ”

Cet effort s’est accompagné d’une flexibilité réglementaire supplémentaire annoncée en avril 2025, permettant aux constructeurs de moyenner leurs performances CO₂ sur la période 2025–2027 au lieu d’une obligation annuelle stricte (2025-04-01-press-release-La_Commission_propose_une_marge_de_man_uvre.pdf). Selon la Commission :

« …/… la proposition concerne une modification ciblée du règlement (UE) 2019/631 en vue d’offrir aux constructeurs une marge de manœuvre supplémentaire pour se conformer à leurs obligations, en prévoyant une période de mise en conformité de trois ans pour 2025, 2026 et 2027, au lieu d’une période annuelle. »

Enfin, en septembre 2025, la signature d’un Mémorandum d’entente entre la Commission et les partenariats 2Zero, CCAM et BATT4EU a renforcé la coordination de la recherche et de l’innovation (R&I). Ce texte prévoit un agenda stratégique commun (SRIA) d’ici 2026 sur les batteries, la connectivité, l’automatisation et l’IA (2025-09-11-Memorandum-of-Understanding-C20256157_annex.pdf). Toutefois, il précise explicitement que :

“This Memorandum of Understanding (hereinafter “MoU”) constitutes an arrangement in which the sides will undertake all efforts necessary to achieve the objectives herein outlined.The MoU is not legally binding and does not, and will not, create any contractual or precontractual obligations for the Sides under any law or legal system”

La stratégie européenne combine donc des financements ciblés, une flexibilité réglementaire encadrée et une coordination renforcée de la R&I, afin d’accompagner la transition tout en consolidant la compétitivité de l’industrie automobile.

 les 22 organisations participantes au plan d’action :

  • Constructeurs : BMW, Renault, Volkswagen, Volvo (cars & trucks), Iveco, Daimler Truck, Traton.

  • Équipementiers : Bosch, Valeo, ZF, Forvia, Mahle.

  • Associations : ACEA (constructeurs), CLEPA (fournisseurs), BEUC (consommateurs), ETF (syndicat transport), industriAll (syndicat).

  • Acteurs spécialisés : ChargeUp Europe, Milence, RECHARGE, T&E (ONG environnement).

Thierry Coulmain 
LEA Partners

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